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Photos, familles, cuisine. Dans le désordre.
18 novembre 2010

L'instinct maternel

Je n'ai pas aimé mon fils dès que j'ai su que j'étais enceinte. Tout simplement parce qu'il n'existait pas encore vraiment. Je veux dire qu'il n'avait pas de réalité pour moi. Pas d'autre réalité que la transformation qu'il occasionnait en moi, sur moi. J'aimais le fait d'être enceinte, peut être. Et encore, c'est à voir... Je ne me suis pas sentie particulièrement épanouie, particulièrement belle. J'aimais la place que ça me donnait dans la société. Une certaine contenance.

Je ne l'ai pas non plus aimé lorsque je l'ai senti sur mon ventre, pour le première fois.

Je ne savais pas qui était cet être-là, comme sorti de nulle part (comment imaginer que ce truc hurlant de 4KG400 était dans mon ventre 1 minute auparavant ??) J'aimais la femme qu'il me faisait devenir. J'aimais l'effet qu'il faisait sur moi. Mais lui, non, je ne l'aimais pas encore. Je ne savais pas comment le prendre, comment le toucher. Je ne savais pas quoi partager d'autre avec lui que mon lait. Je n'avais rien en retour. Je ne ressentais rien que de la délivrance.

Pendant 9 mois, un être avait pris possession de moi. J'allais enfin pouvoir me retrouver. C'est pour ça que j'avais attendu si impatiemment qu'il arrive. Pas tellement pour le rencontrer. Mais pour me retrouver. 

Puis, par la suite... Je ne sais pas.

J'aimais certaine de ces postures, certains de ces sourires, le son de sa voix.
J'étais touchée par ses pleurs parfois. Agacée à d'autres fois. Mais décidément, non, ce n'était pas de l'amour. Pas pour lui. Ce n'était pas de l'amour pour lui, et il n'y en avait pas non plus beaucoup pour moi.

Je lui en voulais du corps qu'il m'avait laissé. Ces vergetures sur mon ventre. Pas juste un peu... Comme une feuille de papier froissée. Je lui en voulais de ce sommeil qu'il me volait. Je lui en voulais de cetteinsouciance qu'il m'avait prise. J'aimais le rôle de petite maman parfaite que je pouvais jouer avec lui. J'aimais parader en rue, sortir l'arsenal complet, le sein, l'écharpe, le sourire. J'aimais l'image que l'on dégageait. Mais je n'aimais pas la femme que j'étais devenue pour de vrai. Fatiguée, seule, prisonnière de ses obligations.

Maintenant, plus de 2 ans après sa naissance, oui, je l'aime. De plus en plus.

J'aime le petit garçon qu'il est. J'aime sa délicatesse, son incroyable talent à résister à tout ce qui ressemble à une quelconque pression extérieur. J'aime sa façon de rire à gorge déployée. J'aime ses petites manigances pour éviter d'être grondé. J'aime sa très grande propension à tout classer, par ordre de taille, de couleur ou de forme. J'aime quand il se fait son petit monde dans sa chambre. J'aime sa réserve, sa timidité. J'aime ses réveils doux et j'aime aussi ses réveils en fanfare. J'aime ses grands yeux curieux, ses petites mains douces et délicates. J'aime son cheveux sur la langue. Je l'aime vraiment.

Je l'aimerai de plus en plus je crois. En apprenant à le connaître.

Je ne sais pas comment on peut aimer vraiment quelqu'un qu'on ne connait pas.

Ca doit être comme l'amour en général. Il doit y avoir les coups de foudre, les amours passionnels, les amours tendres, les amours inconditionnels, les amours longue durée...

Ma mère a fait une dépression post partum après ma naissance. Elle en est morte, un peu plus de trois ans après. Je m'attendais donc à ne pas aimer mon fils d'emblée. Je ne m'étais pas fait de films délirants sur l'instinct maternel. Je n'ai jamais culpabilisé de ne pas être plus attendrie, plus
"amoureuse" de mon fils. J'ai toujours considéré ça comme normal. C'est peut être ce qui m'a permis de ne pas, justement, tomber dans une dépression post partum. Peut être aussi que d'avoir un bébé très facile (des nuits complètes à 6 semaines, des tétées bien espacées et courtes, peu de pleurs incompréhensibles...) et un homme incroyablement présent et pour le bébé et pour moi ont grandement facilité le processus d'acceptation.

Aujourd'hui je suis chaque jour étonnée de l'amour qui grandit en moi pour ce petit être. Je suis chaque jour étonnée de me sentir compétente, aimante, capable. Aujourd'hui je ré-apprends à aimer la femme qu'il m'a
fait devenir. C'est probablement pour ça aussi que j'arrive à l'aimer mieux.

Je ne pleure plus devant mon corps défait. Je retrouve peu à peu une certaine part d'insouciance. Je reprends peu à peu pied avec ma vie à moi, celle qui ne le concerne pas.

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